Casablanca vue à travers la numismatique

La numismatique qui est la science des monnaies anciennes , peut fournir une contribution appréciable à l’étude de l’histoire d’un pays, d’une région, d’une ville.
En 1926 , un numismate bien connu, M. Brethes , découvre à Casablanca , au bord de la mer, près du phare des Roches Noires, à 80 centimètres de profondeur , des pièces de monnaie romaine éparpillées sur une longueur de 200 mètres.
Ces pièces, de l’époque des Consuls ayant gouverné Rome, signifient-elles que les romains faisaient du commerce aux abords des Roches Noires dans les années 50 avant Jésus Christ ? Nullement.
Pour affirmer qu’il y avait alors des habitants à Casablanca et que les Romains commerçaient avec eux, il faut avoir enregistré d’autres découvertes de pièces romaines dans la zone qui devait s’appeler plus tard Casablanca.
Or, à part la seule découverte faite par M. Berthes en 1926, personne à notre connaissance , n’a depuis trouvé dans le sol de Casablanca la moindre pièce romaine.
Par contre , on a souvent trouvé des pièces romaines à Tanger, à Meknès , à el Ksar , à Banassa, à Rabat et à Salé, ce qui permet d’affirmer que les romains ont séjourné dans ces localités ou y ont commercé.
C’est la raison pour laquelle M. Berthes a pensé que les seules pièces romaines qu’il a découvertes , dans le sable des Roches Noires devaient provenir d’un bateau romain ayant fait naufrage.
On peut donc avancer l’hypothèse qu’il n’y avait pas d’habitants dans la région de Casablanca , du temps de Rome, à moins qu’il n’existe d’autres indices historiques permettant de supposer le contraire.
Les Rois de Maurétanie Tingitane , tantôt alliés de Rome , et tantôt ennemis, gouvernaient le Maroc depuis le 2° siècle avant Jésus Christ jusqu’à la chute de l’Empire Romain. Ils frappent monnaie à Tanger, (Tingis) Tétouan (Tammouda) Larache (Lixus et Semes) El Ksar , Banassa et Arzila (Zili) . Aucune monnaie de ces Rois n’a été découverte dans la zone de Casablanca.
Des monnaies byzantines en or trouvées dans les ZAERS en 1930 démontrent les relations que les habitants du Maroc ancien avaient avec le monde byzantin . Mais comme des monnaies byzantines n’ont pas été trouvées à Casablanca, il est difficile de supposer qu’il existait du temps de l’Empire byzantin une ville ou un village là où Casablanca fut plus tard fondé.
Des sequins en or frappés à Venise et trouvé dans la région de Boujaâd , prouvent également les relations que des habitants du Maroc ont pu avoir avec des commerçants de l’époque de la renaissance italienne.
Mais aucun sequin vénitien n’a jamais été découvert dans la région de ce qui forme actuellement le territoire de Casablanca.
Ces constatations ne sont pas faites pour contredire l’hypothèse qu’une ville du non d’Anfa aurait existé , à l’époque antéislamque , à l’emplacement du quartier actuel d’Anfa-Aïn Diab. Nous disons simplement que l’absence de trouvaille numismatique dans le sol de cette région, ne vient pas soutenir l’hypothèse de l’existence d’une ancienne agglomération à Anfa.
À La fin du 6° siècle après Jésus Christ, la religion musulmane se répand au Moyen Orient , en Asie et en Afrique.
Les première monnaies musulmanes à caractère latins ou latino-arabes, et les monnaies sassanides des Rois Perses, surchargées de caractères arabes , font alors leur apparition en Afrique du Nord et au Maroc. C’est à Tanger que de telles monnaies ont été retrouvées.
Aux époques ultérieures , de très nombreuses pièces arabes frappées au Moyen-Orient , en Tripolitaine, en Tunisie , en Algérie, au Maroc, en Andalousie , sont découvertes un peu partout au Maroc, sauf dans la région de Casablanca.
Les pièces arabes frappées au Maroc portent comme lieu d’atelier Sisilmassa, Sebta, tanger, Larache, Fès, Oulila (Volubilis), et Alya, Nador, Ouarzakour, Natghara, Nassina, Todra, Elbosra, Outjah, Tajerjera, Ouarzigha, outhita, Tajerghan, ouatit, Sala, Meknès, Marrakech, Amghmat, Noul lamatah, rabat, Azemmour, Essaouira, Tafilala, Taroudant, Madinat Sous, Tétouane.
Aucune pièce arabe trouvé ne portait le nom d’atelier d’Anfa , ou de Dar EL Beida , ni tout autre nom pouvant appartenir à la région de Casablanca.
Les lieux de frappe ont été , traditionnellement , les lieux de résidence des souverains marocains ou de leurs gouverneurs ;
Il est donc permis de conclure que le bourg , appelé plus tard Dar El Beida, n’est apparu , vraisemblablement qu’au début du 17e siècle , en tant que lieu important d’habitat ou d’échanges. Depuis le temps qu’on procède à des fouilles à Casablanca, on aurait sûrement trouvé des vestiges monétaires dans son sol, si Dar El Beida avait été , dans le lointain passé un centre de quelque importance.
C’est au début du 20e siècle , par l’importance qu’elle avait alors rapidement acquise , que la ville de Casablanca a failli devenir un lieu de frappe monétaire, et voici comment.
Lorsque les troupes françaises s’emparèrent de Fès en 1911, un an avant l’établissement du protectorat , elles prirent le contrôle de la « Makina », c’est-à-dire la fabrique d’armes du gouvernement royal…les Français y trouvèrent , entre autres , une quantité importante de pièces de monnaie marocaine en bronze , de belle coupure et en bonne qualité , qui avaient été frappées grâce à un balancier moderne, que le gouvernement marocain avait importé de France. Pour des raisons que l’on ne connaît pas, l’autorité militaire française décida de faire fondre ces monnaies et les expédia à cette fin à Casablanca.
Mais en raison de la pénurie persistante de monnaie et l’inflation provoquée par la guerre de 1914, les monnaies de bronze envoyées pour la fonte , furent mises en circulation, et le balancier de la Makina qui avait servi à frapper ces monnaies, fut envoyé à Casablanca pour servir à de nouvelles frappes.
Malheureusement, ce balancier , arrivé en très mauvais état à Casablanca , dut être abandonné à la ferraille. C’est ce qui explique que des monnaies marocaines d’argent et de bronze durent être par la suite frappées à Paris, plus exactement à Poissy.
Avant le protectorat, des monnaies d’argent en grande quantité avaient déjà été frappées à Paris en 1882, à Berlin en 1896, pour être en circulation au Maroc en 1906.
Le Maroc continue à frapper sa monnaie et à imprimer ses billets de banque à l’étranger . Mais en reconnaissance de l’importance économique et culturelle de Casablanca, peut-être un jour, installera-t-on dans cette ville, un atelier de frappe monétaire, ce qui ferait entrer la ville de Casablanca dans l’histoire de la numismatique.
Meyer TOLEDANO

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