Le timbre-poste marocain, toute une histoire !

Alors que l’Espagne répliquait aux troubles de Larache et Ksar El Kebir en juin 1911, que l’Allemagne se préparait à prendre position quelques semaines plus tard par l’envoi du Panther devant Agadir et que la France occupait Meknès, le député Jean Jaurès, dans son discours sur la ratification du traité franco-allemand, rappelait que «L’empire du Maroc était capable de transformations nécessaires, capable de révolution et de progrès, civilisation à la fois antique et moderne». L’un des témoignages de cette capacité à œuvrer dans ce sens fut la même année l’impression du timbre marocain qui a vu le jour le 2 mai 1912 sous le règne du Sultan Moulay Abdelhafid qui en avait eu l’idée en 1911. Il représentait la «Zaouiya Issaouiya» de Tanger et portait l’unité monétaire de l’époque : la «Mozonnat». Ce fut une série de six timbres-poste portant des couleurs et des valeurs faciales différentes.

 

Comme l’indique le communiqué de Barid Al Maghrib, à la suite de l’avènement du protectorat, le service postal était divisé en deux zones et portait deux enseignes différentes. Le nord du Maroc, soumis au protectorat espagnol, bénéficiait du «Service de La Poste marocaine» dont les valeurs des timbres étaient en «peseta» et les thématiques portaient sur la vie quotidienne et les traditions marocaines. Quant au reste du Maroc, sous protectorat français, les établissements postaux y portaient le nom de «Poste Télégraphe Téléphone» et les timbres-poste, ayant pour unité monétaire le franc, illustraient le patrimoine et l’architecture du Maroc. Car le timbre, on le verra au cours de l’histoire, est un formidable témoin et révélateur de l‘histoire. Il ne se limite pas au simple champ politique ou militaire, mais prend en compte la culture, la sociologie, l’anthropologie… et reproduit les événements.

Quelques décennies avant l’apparition du premier timbre-poste en Grande-Bretagne, le «One-Penny-black» le 6 mai 1840, avait révolutionné le monde des communications. À la suite d’une réforme postale, les frais d’expédition, à l’époque très élevés, allaient être désormais payés à l’avance et non plus aux frais du destinataire à l’arrivée. En 1837, Rowland Hill, un haut fonctionnaire britannique, avait suggéré de créer des vignettes à coller sur les enveloppes, afin que la taxe postale soit payée au départ et non plus à l’arrivée. Le succès fut immédiat au Royaume-Uni et fut suivi dans le reste du monde. Aujourd’hui, et de par le monde, nombreux sont les pays qui s’en servent pour «glorifier leur histoire, honorer leurs héros, retracer leurs grandes batailles et même présenter les personnages, réels ou fictifs, les plus populaires».

Le timbre, comme l’indique une étude de Poste Maroc, est un attribut de confirmation de la souveraineté. Il joue le rôle d’ambassadeur dans le monde entier et reste le témoin de la politique étrangère menée par le pays. C’est aussi le témoin et la mémoire du pays qui a su, comme l’indique le communiqué, «immortaliser l’histoire du pays et faire partie de son patrimoine culturel». Il constitue une partie prenante du quotidien puisqu’il est omniprésent sur les correspondances (cartes postales, lettres, paquets-cadeaux, lettres de candidature, etc.). Il est aussi le reflet d’une époque, d’une culture et d’une société, le timbre-poste véhicule une image à contempler et un message à décoder. En témoignent certaines reproductions de l’histoire du Maroc : «Anniversaire de la Marche verte», «Anniversaire de l’Indépendance», «Congrès internationaux», «Inauguration de Barrages», «Alphabétisation», «Campagne de solidarité», etc.

Les thèmes philatéliques couvrent aussi la commémoration de la naissance de plusieurs institutions étatiques créées au lendemain de l’indépendance et touchant à plusieurs domaines tels que l’enseignement, la culture et l’économie. À titre d’exemple : le «50e anniversaire de l’École Mohammedia des ingénieurs», le «90e anniversaire de l’Office chérifien des phosphates» et le «Cinquantenaire du Théâtre national Mohammed V».

En accompagnement des grands projets du Maroc, une série de timbres-poste a été lancée sur le thème «le Maroc en mouvement» mettant ainsi en lumière les projets phares tels que : «le tramway», «Le Port Tanger Med», «les lignes ferroviaires». Des événements nationaux ou internationaux, touchant au sport, aux droits de l’Homme, à l’environnement et au développement durable, sont également célébrés à travers les timbres-poste marocains. La philatélie fait, ainsi, connaître les constantes fondamentales du pays, son histoire, ses particularités, ses richesses et ses faits marquants.

Le timbre-poste, une diversité de techniques innovantes

Depuis plusieurs années, le procédé de production du timbre-poste marocain ne cesse de se développer via le recours à plusieurs techniques novatrices, dont :

• L’imagerie lenticulaire : une technique des plus avancées dans le monde. Le Maroc est le dixième pays au monde à l’avoir introduite dans le timbre-poste, à l’occasion du dixième anniversaire de l’intronisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

• Le gaufrage et la dorure : une technique qui consiste à appliquer un film de dorure sur des presses à chaud en deux passages, l’un pour dorer à plat et l’autre pour embosser le visuel sélectionné.

• Les timbres-poste parfumés : ce sont des timbres imprimés avec des micro-capsules qui dégagent l’odeur de la fleur d’oranger ou de la rose, une fois le timbre frotté.

• Les timbres imprimés sur du papier 100% recyclé : il s’agit d’une technique permettant de reproduire les timbres dans le respect des normes environnementales.

• Le «timbre graine» : ce timbre, une fois macéré dans l’eau pendant une heure et mis en terre, donne naissance à terme à une petite plante de luzerne. L’utilisation de ce procédé dans le timbre-poste marocain lui confère la troisième place au monde de la philatélie.

• Le procédé thermographique : cette technique consiste à appliquer sur le timbre-poste imprimé une couche de vernis spécial comportant une poudre thermographique qui contient des particules très fines du vrai sable du Sahara marocain.

• L’impression avec application d’encres métalliques : ce procédé utilisé dans l’émission spéciale «Monnaies marocaines» consiste à imprimer les timbres en offset avec application d’encres métalliques. Les gravures des pièces sont mises en relief grâce à un gaufrage reprenant le maximum de leurs détails. Cette technique fait apparaître les pièces proches de la réalité.

 

Le timbre vu par ses passionnés

 

Dans tous les sens

«Le choix des émissions spéciales des timbres-poste n’a jamais été le fruit du hasard, c’est une réflexion bien étudiée qui a d’ailleurs permis au Maroc d’obtenir la médaille de bronze lors de la compétition philatélique internationale organisée par l’Union postale universelle en 2008».

«À Barid Al-Maghrib, nous sommes plus que jamais engagés à asseoir et maintenir une position de choix aux services de La Poste marocaine. Cette préoccupation permanente met bien évidemment l’accent sur le développement de la philatélie, en raison de son rayonnement culturel incomparable à l’étranger comme au plan national. La présence de nombreuses associations philatéliques du Royaume atteste de cette volonté». «Depuis 2009, Barid Al-Maghrib s’est engagé dans un processus d’innovation en matière d’émissions de timbres-poste. Ainsi, il a touché à différents sens :

• La vue à travers l’émission du timbre avec imagerie lenticulaire à l’occasion du 10e anniversaire de l’Intronisation de S.M. le Roi Mohammed VI ;

• Le toucher lors de l’émission spéciale avec application du sable du Sahara par procédé thermographique lors du 35e Anniversaire de la marche verte ;

• L’odorat avec l’émission spéciale de timbres parfumés à l’odeur de la rose et des fleurs d’oranger ;

• Et aujourd’hui c’est de l’ouïe dont il s’agit : deux timbres-poste qui émettent un son audio transmissible via un GSM smartphone ou un scanner audio.

– Le premier timbre audio reprenant l’identité visuelle du centenaire, transmet le son de “l’hymne national”.

– Le deuxième timbre audio, illustrant une œuvre d’art d’un artiste peintre marocain de renommée, porte le son de “la fantasia”, symbole de la tradition et la culture marocaines.»

Amine Benjelloun Touimi,

directeur général du Groupe Barid Al Maghrib

 

■ Il existe de nombreuses associations auprès desquelles vous pouvez trouver informations et conseils :

– Association philatélique d’Agadir et du Sud

– Association casablancaise des philatélistes et numismates

– Association Zajil de philatélie et de numismatique de Rabat

– Amicale philatélique Attaouassoul de Salé

– Club Moulay Idriss de philatélie et numismatique de Fès

– Association philatélique et Numismatique de Marrakech

– Association Ibn Battûtah de Philatélie et Numismatique de Tanger

 

Trois Questions à : Ikram Taibi, chef de division philatélie à Barid Al Maghrib

 

Le timbre : un centenaire bien portant

 

Barid Al Maghrib et Poste Maroc fêtent le centenaire du timbre. Quels événements organisez-vous pour la circonstance ?

Nous avons lancé les manifestations relatives au centenaire du Timbre-poste le 22 mai dernier. Les festivités s’étaleront tout au long de l’année jusqu’à la fin du mois de décembre. La caravane nationale sillonne le Royaume en passant par Tanger, Casablanca, Fès, Rabat, Tiznit, Laayoune, Marrakech et Oujda. À travers cette caravane, nous souhaitons faire la promotion du timbre en tant qu’attribut de souveraineté et vecteur de communication. Le Timbre fête son centenaire et son histoire est riche des techniques utilisées. La dernière en date, c’est la technique audio de la Tbourida et de l’Hymne national. Le Maroc est ainsi le premier pays arabe et africain et le troisième pays au monde, après la Chine et les Pays-Bas, à disposer d’œuvres philatéliques audio.

 

Qu’est-ce qui a changé dans le timbre depuis 1911 ?

Les visuels, les sujets, les techniques… On fait aujourd’hui des timbres parfumés, en papier recyclé, en audio.

 

Même si les associations tentent d’attirer les jeunes, comme on l’a vu ici à Rabat, pour transmettre la passion du timbre, avec Internet, on utilise de moins en moins le courrier. Le timbre est-il condamné ?

Il est sûr que l’usage du timbre a évolué. De manière générale et de par le monde, on constate une baisse, mais le timbre en tant qu’image et philatélie est toujours présent. Nous avons le 22 novembre prochain une conférence internationale qui fera coïncider deux événements importants : le centenaire du Timbre et le 120e anniversaire de La Poste qui abordera certainement ce sujet. Il y aura des experts de l’Union postale universelle, des historiens, des imprimeurs, des experts en matière d’édition de catalogue. Nous dévoilerons à cette occasion et pour la première fois des collections inédites.

 

 

Le timbre-poste, l’innovation en continu

La philatélie marocaine est résolument tournée vers les nouvelles technologies et les avancées en matière d’impression artistique et d’imagerie pour produire des œuvres novatrices.

Le Maroc pionnier arabe et africain dans la technologie des timbres-poste audio. Dans le but de donner toute son ampleur à la commémoration du 100e anniversaire du timbre-poste marocain, Barid Al Maghrib lance, pour la première fois, une série de deux timbres-poste audio illustrant respectivement les sons de l’hymne national et de «Tbourida».

Les deux timbres-poste ont associé deux technologies de pointe via deux codes cachés : le premier nommé «Chaméléo Code» permet, en visant le timbre-poste avec un smartphone, de déclencher un son ; le second code nécessite l’utilisation d’un scanner audio pour produire le son correspondant à chaque timbre-poste. Cette émission spéciale, imprimée aux Pays-Bas en deux cent mille exemplaires, porte une illustration artistique adaptée à chaque son. Le Maroc est le premier pays arabe et africain engagé dans cette nouvelle voie technologique des timbres audio. Il est aussi le troisième pays au monde (après la Chine et les Pays-Bas).

 

Dossier réalisé par les services de Poste Maroc et Farida Moha et publié dans le matin le 24 septembre 2012